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Dénombrement de 1 à 3

Après des années auprès d’enfants avec des handicaps importants, j’ai développé une petite progression pour le dénombrement « spéciale » handicap.

Malheureusement, le VB mapp ou l’ABLLS ne vous seront d’aucun recours car je les trouve « légers » sur la partie « maths » l’un comme l’autre. Disons qu’ils peuvent permettre de faire une évaluation mais ne vous aideront pas à enseigner si l’enfant n’a pas la compétence.

Les enfants qui ne dénombrent pas du tout (donc qui n’ont pas le 1 à 3) doivent bénéficier d’un traitement spécifique. Souvent, les tentatives vaines d’explications et de propositions de tâches beaucoup trop complexes pour l’élève l’ont plus embrouillées que aidé.
Les « mauvaises » idées du quotidien, comme faire compter 1, 2, 3, 4, … quand on monte les marches d’escalier, par exemple, vont participer à la confusions ordinal et cardinal … c’est la confusion entre le comptage et le dénombrement, on en parlera après.

Souvent, avant même le dénombrement, je commence par faire discriminer à l’enfant « beaucoup / peu » avec des caisses d’objets (voir ici). Ce peut donc être un article intéressant à consulter avant de poursuivre celui-ci.
Un autre article sur le tout début du dénombrement se trouve ici sur le site. Vous y trouverez d’autres idées d’activités.

Cependant, pour certains enfants, même avec une progression douce, le dénombrement reste difficile.

Je vous propose donc de revenir ici sur l’introduction de la quantité et du petit dénombrement, en présentant les activités de manière différente et via des opérants différents.

RAPPEL : PAS d’écriture chiffrée avant que l’enfant ne puisse manipuler les quantités de 1 à 3 minimum! Certains chercheurs précisent même qu’il est préférable d’éviter de nommer les chiffres avant que la manipulation de quantité de 1 à 3 ne soit parfaitement fluide. Je partage clairement leur point de vue : vous verrez que dans cet article, nommer ou écrire les quantités se fait à la fin de toutes les activités, et pas avant.

Privilégiez des mises en situations épurées et isolées et PAS d’exercices-papier au début de l’enseignement!

Important : comprendre le dénombrement

Pour aider les enfants qui sont en difficulté dans ce domaine, il va être important de prendre en compte les éléments suivants.
Pour parvenir à dénombrer, il faut que l’enfant puisse mettre en œuvre plusieurs compétences simultanément. Pour les enfants avec autisme, les difficultés peuvent être multiples mais d’expérience, ce qui pose le plus problème est l’adéquation unique (souvent à cause des techniques d’enseignement antérieures « mal débutées ») et le principe d’abstraction (lié à la pensée autistique de la catégorie unique).

Les 5 principes du dénombrement (Gelman) :
1- Le principe de l’ordre stable : connaître la comptine numérique, en général, ça c’est ok.
2- Le principe de la correspondance terme à terme ( = adéquation unique) on associe un mot-nombre et on n’en associe qu’un seul. Là, en général, ça commence à pêcher. Les enfants décalent souvent lorsqu’ils récitent la comptine et qu’ils déplacent les éléments à compter. Il faut être vigilant dès le tout début de l’apprentissage du dénombrement à cette correspondance terme à terme.
Il est EXTREMEMENT important que la comptine soit plaquée sur le lot au moment où l’élément rejoint le groupe et non au moment où l’enfant prend l’élément.
C’est à dire, qu’il est crucial de présenter l’exercice de façon à ce que l’enfant n’étiquette pas le mot-nombre à un seul élément mais à l’ensemble des éléments (comptage VS le dénombrement).
3- Le principe cardinal : le dernier mot-nombre énoncé correspond à « combien il y en a en tout? ». En général, quand c’est répété, les enfants sont à l’aise. Mais là encore, ce qui va importer est le fait que l’enfant comprenne que ce dernier mot-nombre est le nom de l’ensemble de tous les éléments et ne désigne pas uniquement le dernier placé.
4- Le principe de la non-pertinence de l’ordre : peu importe dans quel ordre on compte les éléments, on obtient le même résultat. Si les intervenants prennent soin de varier la façon de dénombrer, c’est en général ok.
5 – Le principe d’abstraction : peu importe ce que l’on compte, les caractéristiques des objets ne doivent pas impacter. Idem, si les intervenants varient leurs propositions, pas de souci en général.

Mais le plus gros écueil, selon moi, reste le problème du type d’activités choisies et de leurs présentations qui souvent, favorisent la confusion entre le comptage et le dénombrement !

Le comptage-numérotage VS le comptage-dénombrement:

Dans la vie quotidienne,  les enfants sont confrontés tôt aux « mots-nombres » et l’entourage soutient maladroitement cet enseignement. Le souci est que cette exposition favorise la compréhension du nombre comme l’étiquetage et non comme quantité.
Je m’explique : la chaîne 3 sur la télé (c’est une seule chaine malgré le fait que ce soit la chaîne « trois »), le comptage quand on monte les marche de l’escalier c’est la marche numéro 5 qui est sous le pied de l’enfant et non un ensemble de 5 marches, le numéro 11 sur la maison c’est une seule maison et pas cette maison + les 10 autres d’à côté, etc.
Les « mots-nombres » de l’environnement naturel de l’enfant sont souvent associés à des numéros et non à des quantités.

La notion la plus importante va donc être de garder en tête le fait qu’il faille que le jeune comprenne que le mot-nombre correspond à plusieurs éléments (et non au « petit-nom » du « petit dernier »).

Pour les deux questions, la réponse est B.
Voici les explications :

Dénombrer en pointant les éléments force l’étiquetage-numérotage, donc, c’est clairement à EVITER.
Dénombrer en rassemblant permet d’envisager le mot-nombre comme un TOUT. C’est l’ensemble qui fait 4 jetons et c’est donc une configuration à privilégier.

Pour le dénombrement sur les doigts, personnellement, je ne le fais jamais avec les enfants au cabinet.
Déjà, comme dans le cas expliqué au-dessus, on a ce même problème de désignation de un seul et non de l’ensemble.

Ici, l’enfant est censé dire « 4 » mais en réalité, c’est « 1 doigt », même si c’est le 4ème.

Un second problème avec l’utilisation des doigts pour compter pour les enfants TND, c’est que les doigts même rabattus vers la paume sont « encore là ». Quand on montre 3 sur les doigts par exemple, on a quand même les 7 autres qui sont là même si ils sont repliés. Cette subtilité est quand même pas évidente pour des enfants « rigides ». C’est clairement source de problème pour un enfant avec autisme.

En conclusion, il va être très important d’être vigilant quant à ce qu’on propose comme activité et comment on l’organise. Des détails qui semblent anodins peuvent complètement embrouiller ces élèves en apprentissage.
Ces jeunes ont souvent eu un historique d’enseignement des mathématiques compliqué pendant leur scolarité ce qui fait que le dénombrement est souvent pairé négativement. Cela aussi est à prendre en compte et il est important de prendre son temps, de varier les supports, de renforcer correctement, sous peine de voir des troubles du comportement apparaitre.
Un enseignement de « comptage-numérotage » fera illusoirement croire que l’enfant a compris mais il n’en sera rien : l’enfant devra comprendre la signification cardinale des mots-nombres, sans quoi la décomposition des nombres et le calcul seront impossibles.

On commence en reproduisant avec la même forme de réponse.

Avec objets tous identiques

Pour cela, je commence toujours par la notion de « le même ». Je vous conseille de conditionner un espace de travail au départ avec deux boites (ou deux plateaux identiques) afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté quant à la forme : l’enfant saura qu’il faut regarder « ici » et qu’il doit mettre les éléments « là » et donc, il pourra se concentrer sur le fond du « problème ».

On part de « le même » sans que ce ne soit des maths, par exemple, l’enfant doit placer la même image dans son espace que dans l’espace modèle.

On met une carte (par exemple maison), on laisse l’enfant choisir entre 3 images pour mettre la même. C’est juste pour comprendre le principe de où placer l’item.
On continue avec deux items à placer. Attention, il s’agit de deux éléments différents, ce n’est pas « 2 », mais c’est « un » (champignon) et encore « un » (tortue) et non pas le même exemplaire en double.

Il faut vraiment que l’enfant ait compris où regarder et où poser avant de continuer avec de la quantité. Si ce n’est pas le cas, il faut continuer cette étape.

Ensuite, on va poursuivre en introduisant tout doucement le fait de mettre deux fois le même.

Au niveau matériel , je vous conseille de prendre des objets ronds afin que l’enfant ne soit pas déconcentré à vouloir orienter les objets d’une certaines façons (je pense notamment aux pingouins de la banquise de Learning Resources où les enfants sont concentrés sur l’orientation des pingouins et perdent l’objectif de quantité)

On va mettre par exemple : un seul bouton : « bouton », et après, avec trois boutons :  « bouton » « bouton « et « bouton ». Idem avec des marrons ou d’autres choses strictement identiques.
L’élève va se baser sur le visuel, c’est ce qu’on lui demande, il va le reproduire comme quand il avait une tortue et une maison dans l’exemple ci-dessus.

Pour renforcer les quantités 1, 2 et 3, j’aime bien demander à l’élève de mettre la même quantité plein de fois, par exemple, dans un moule à muffins.
Essayez de prendre un support où il est « habituel » de mettre la même quantité dans chaque (moules à muffins, petits pots identiques, …) et ne pas utiliser la BàC (Boîte à Compter) où a priori on mettra par la suite des quantités différentes dans chaque case. Cela risque d’embrouiller l’enfant par la suite. Pour l’instant, on essaie de réduire l’ambiguïté sur le support au maximum !

Ici, du tri de constellations organisées.

Cela reste du tri « visuel ».

Version « simple » : tout est de la même couleur.
Version « complexe » : il faut que l’élève inhibe la couleur pour trier uniquement par rapport aux points.

 

On va mettre une quantité donnée dans toutes les cases, par exemple « deux marrons » et l’enfant devra mettre, sans consigne de quantité, la « même chose » donc deux marrons dans la dernière case. Ensuite, on laisse les deux dernières cases vides et l’enfant fera pareil et ainsi de suite.

Ici, il est possible de faire en chainage arrière, on met devant l’enfant une quantité identique et on le laisse mettre dans le dernier emplacement. Puis, on le laisse mettre les deux derniers, etc.
Là, l’élève met les 5 lots (de 1 bouchon) tout seul !
Exercice très proche du précèdent : mettre « 1 » dans chaque emplacement.

 

Ensuite, on va pouvoir prendre des items différents. Ci-dessous, des animaux différents.

Ci-dessous, on a des items et l’enfant doit mettre la même chose dans « sa » caisse (la rouge) : les éléments doivent être strictement identiques.

« éléphant » –> l’élève met un éléphant.

L’élève va mettre « la même chose » que sur le modèle (par exemple : A et B, et aussi : A, B, et C )

Tigre et nounours –> il met « tigre + nounours ».

et petit à petit, on va faire des doublons (par exemple : « A et encore A ») , puis des doublons sur certains mais pas tous (par exemple : « B et B et C », ou encore : « A et B et B ».

Par exemple, ici, on a : « nounours » et « nounours »  (= 2 nounours) ou « tigre » et « tigre » :

    

Ci-dessous, on a un exemple où l’enfant doit placer la même quantité, mais avec un léger changement : le modèle n’est plus « en vrai » mais c’est une photo :

Deux pingouins sur l’image, l’élève doit mettre « pingouin + pingouin »
Ici, on associe une collection dessinée : le jeune doit mettre la même chose. Et ce, 5 fois d’affilée.

Quand vous voyez que l’élève est bien à l’aise avec cette reproduction en terme à terme, on va pouvoir poursuivre.

L’idée est que petit à petit, l’enfant va associer que « un pingouin » c’est quand il y en a un et « deux pingouins » c’est quand il y a « pingouin pingouin » puis « trois pingouins » c’est quand il y a « pingouin pingouin pingouin », …
A ce stade, normalement, vous n’avez pas forcément encore utilisé de « mot-nombre ».

Des exercices comme ceux-là, il va falloir en faire beaucoup. Dans les exercices ci-dessus, on a épuré au maximum en prenant des items non orientables, puis orientables mais identiques et petit à petit, l’enfant devra être en capacité de mettre playmobils (=1), puis playmobils + playmobils (=2), puis playmobils +playmobils +playmobils (=3) dans des cases même si ils ne sont pas strictement identiques entre eux.

Par exemple, ci-dessous, mettre toujours la même quantité dans plein de cases identiques, comme dans des moules à muffins par exemple :

On pourra également le présenter différemment : associer des collections déjà formées.

On montre une boite avec 3 marrons et l’enfant doit donner la boîte où il y a 3 marrons.
Si vous craignez que l’élève tripote les marrons dans les boites, vous pouvez également travailler avec des boites transparentes fermées (mais on voit quand même moins bien …)

Ensuite, on se familiarise avec les écritures chiffrées.

Parce qu’en tant que lecteur on ne se rend pas forcément compte de la difficulté de discriminer les écritures des chiffres.
Avant même de savoir que ce dessin : »2″ se prononce « deux » et représente « quantité 2 », on va s’assurer que l’enfant discrimine bien les écritures chiffrées (= écriture en chiffres arabes)

On va donc tout simplement faire du tri d’étiquettes avec des écritures de chiffres comme sur la photo ci-dessous. Dès le départ, je lui fais trier des écritures qui ont des polices différentes afin de l’habituer aux variations et ainsi que l’enfant retire la forme principale du tracé et non un détail qui serait insignifiant (par exemple un sérif)

Souvent, les enfants savent déjà lire ces chiffres, même si ils n’ont aucune idée de ce qu’ils signifient. Si ils ne se trompent pas dans ce tri visuel, on pourra faire correspondre du verbal en disant « deux » quand l’enfant pose le 2, etc.
Pour un travail intensif sur les écritures chiffrées, avec des chiffres rugueux, des sens de tracés, c’est par

Ce tri, comme les précédents, est un tri d’items qui ont la même forme. On ne mixe pas (encore) les écritures chiffrées avec les quantités. Cela viendra après, quand on se sera assuré que tout ce qui est ci-dessus est OK.

L’enfant trie les étiquettes en écritures chiffrées.

Voici des photos d’activités en vrac :

Il existe des dés qui vont de 1 à 3. Je les utilise souvent car en général, ils plaisent aux enfants.
Associer une écriture chiffrée à une quantité.
Associer une écriture chiffrée à une quantité.
Ici, je demande à l’enfant « donne-moi tous les deux ». Il faut qu’il associe la forme sonore à la constellation. Comme il me donne la carte à chaque fois, il ne les voit plus et donc, chaque nouvel essai est un essai « pur ».

On continue en associant avec différentes formes de réponse.

Pour avoir un comptage – dénombrement fonctionnel, il va falloir que l’enfant sache à terme : dire la quantité, lire le chiffre, reconnaitre le chiffre, reconnaitre la quantité, recopier le chiffre, écrire le chiffre quand il voit la quantité, écrire le chiffre quand il l’entend, … bref, qu’il sache verbaliser/produire les quantités dans tous les sens.

Si l’élève a bien compris la notion de quantité, ces différentes modalités seront faciles à acquérir.

Ci-dessous, je vous mets des images qui vont permettre en un coup d’œil de percevoir les modalités possibles.
C’est ce que les initiés appelleront : en tact, en RA, en transcriptif, en textuel, en copy to copy, … avec un input verbal, un output écrit, …

D’autres supports pédagogiques et d’autres matériels:

Pour le dénombrement, il faudra varier au maximum les supports afin que l’élève se détache des objets et s’intéresse à la quantité en tant que telle.

De nombreux autres articles sur ce site traitent des petites quantités :

  • les marrons à ramasser en automne, c’est ici 
  • les Connectors de chez Action dont l’article est ici
  • les pingouins de chez Learning Resources est ici.

Utiliser du matériel différent va être essentiel pour le principe d’abstraction : on peut tout compter !

A propos du matériel Montessori

ATTENTION : il ne faut pas travailler les petites quantités avec le matériel Montessori « barrettes colorées » !
Dans le matériel Montessori vous avez « La Banque » avec toutes les perles de la même couleur – en général jaune – et vous avez les fameuses « barrettes » de couleurs où chaque quantité correspond à une couleur bien précise.

Couleurs des perles des barrettes Montessori de 1 à 10

La quantité dans les barrettes est donc codée et travailler avec les barrettes colorées revient à faire apprendre à l’enfant que 3 c’est rose, 1 c’est rouge, 2 c’est vert, ce qui n’a aucun sens.
Ce matériel sera néanmoins extrêmement pratique et utile pour manipuler les quantités et commencer les calculs (additions, multiplications notamment …)

On utilisera donc des perles unicolores esseulées (de la Banque par exemple) ou des barrettes qui seraient toutes de la même couleur mais en tous cas, pas celles codées.

Perles (unicolores) de la Banque Montessori
Barrettes Montessori non adaptées lors de l’enseignement du petit dénombrement. 

Le passage aux exercices sur papier :

Lorsque tout cela est fluide en manipulation, on peut commencer à introduire des exercices sur feuille + éléments à manipuler avant d’arriver à des exercices uniquement « papier ».

On va donc petit à petit associer une écriture chiffrée à collection, comme ci-dessous :

Maintenant, l’élève doit attribuer la bonne étiquette à une collection donnée.
Associer une quantité (de jetons aimantés) à une écriture chiffrée

Puis des exercices uniquement sur papier, comme ci-après où il faut relier des écritures chiffrées à des collections désorganisées :
(Si votre élève ne sait pas relier des éléments, un article est dédié ici.)


et très bientôt, la suite : le concept de dizaine!