Voici un article théorique qui m’a été demandé plusieurs fois. Il va s’agir ici d’expliquer ce qu’on appelle « les guidances ». La question soujacente pourrait être posée ainsi :
Comment fait-on pour enseigner un nouveau comportement ou une nouvelle compétence à notre enfant ?
Lors de mes formations, j’utilise le schéma ci-dessous. La mise en place d’un enseignement doit être étudié et cadré, ainsi il faut envisager :
- son utilité
- sa description précise
- son découpage
- le programme qui en découle (ligne de base, guidances, renforcement, généralisation, …)
- son évaluation.
Les gens non formés souvent ne se posent pas la question de comment apprendre à leur enfant : ils montrent et l’enfant prend, ou non, ce nouvel apprentissage. Disons que cette façon de procéder est souvent suffisante pour un enfant classique, néanmoins, pour nos enfants non typiques, cette manière de faire engendrera un apprentissage très long voire un échec.
On décrète alors que l’enfant ne peut pas faire telle ou telle chose … or souvent … c’est nous qui ne savons pas faire … 😉
Sur ce site, je parle presque dans chaque article de l’importance de découper les tâches (par exemple les jeux du commerce) en unités plus simples (mais pas n’importe comment, toujours dans une perspective de les chaîner ultérieurement !).
La question ici est : une fois notre petite séquence isolée, que l’on sait ce que l’on veut faire faire précisément à l’enfant, comment faire pour l’aider pour qu’il parvienne à comprendre ce qu’on attend de lui et qu’il sache faire ce qu’on lui demande de faire ? et bien grâce à l’aide que l’on va apporter et c’est ce qu’on appelle une guidance.
Les trois règles de base :
- Lors d’un nouvel enseignement, elle doit être immédiate :
Imaginez-vous que je vous demande de me dire « un singe » en roumain, je vais attendre, insister, attendre, … si vous ne savez pas, vous ne pourrez pas l’inventer! Ca parait évident mais c’est souvent ce que l’on fait avec ces enfants : on leur demande des choses qu’ils ignorent, on insiste, on attend, les enfants attendent aussi voire se braquent et partent en comportement ou encore ne voient même pas ce qu’on attend d’eux. De plus, souvent, ils ignorent comment se sortir d’une situation comme celle-ci avec un « je ne sais pas » ou « dis-moi » alors ce moment est un moment agréable pour personne! et l’enfant n’a toujours pas appris.
Alors la première règle : quand une cible n’est pas connue : on guide tout de suite !
Un singe, en roumain c’est « maimuta », alors pour cet exemple, on montre l’image, on prononce « maimuta » sans attendre. Les prochaines présentations devront également être guidées, au risque que vous prononciez mal et que vous vous mettiez à apprendre votre approximation plutôt que la prononciation correcte. Ce sera la même chose pour les enseignements de compétences de tous les jours, il ne faut pas arrêter de guider trop tôt et néanmoins, ne pas guider trop longtemps non plus! au risque d’empêcher l’autonomie sur la tâche et surtout d’engendrer une dépendance difficile à lever …
- Elle doit être adaptée à l’enseignement et à l’enfant
Il est très important de bien choisir son type de guidance en fonction de l’enseignement visé et des particularités de l’enfant. Il faut toujours avoir en tête la fin de l’enseignement et comment on va estomper cette aide pour arriver à la tâche réalisée entièrement et seul.
Voici une question : comment enseigneriez-vous à un enfant à mettre son manteau en position debout? La différence semble insignifiante mais dans une des deux situations, l’enfant a peu de chance d’acquérir la compétence. C’est ça, trouver une juste guidance!
Alors? 😉
En A : la maman guide afin que l’enfant vienne cueillir la manche « par le bas » avec le manteau « qui tombe », l’enfant apprend donc à faire le mouvement de rechercher puis d’enfoncer son bras dans la manche.
En B : la maman maintient la manche vers le haut afin que l’enfant glisse son bras vers le haut dans le « tunnel », l’enfant apprend donc à lever le bras pour aller chercher la manche.
Et bien oui, jamais la manche d’un enfant ne se maintiendra seule en l’air et pourtant, je n’ai jamais vu un professionnel présenter le manteau avec la manche vers le bas ! et pourtant ça semble tellement évident une fois qu’on le remarque …
- Elle doit être estompable puis supprimable.
En présentant le manteau comme en A, la maman va pouvoir estomper son aide. Elle continuera à l’aider à enfiler une des deux manches, mais elle maintiendra de moins en moins l’autre manche à enfiler jusqu’à le laisser pendre dans le dos, puis la maman travaillera sur le fait d’enfiler la première manche et de finir seul avec la manche dont il maitrise l’enfilage (dit « en chaînage arrière ») . C’est cela estomper puis supprimer une guidance.
Selon les types de guidance choisis, que nous allons voir juste après, et l’enseignement visé, l’estompage de l’aide va être plus ou moins facile. Ce critère va déterminer un choix en cas d’hésitation entre deux guidances.
Les différents types de guidance
Il existe plusieurs types de guidances :
- La guidance verbale : la plus répandue et celle à proscrire !! On parle toujours trop …
Il s’agit par exemple de vouloir enseigner à un enfant comment se laver les mains et de dire : « vas-y chéri ouvre le robinet, mets les mains sous l’eau, voilà, tu prends le savon, voilà, tu frottes maintenant, ..blablabla ». Il faut se faire violence pour NE PLUS
Les dangers : souvent inaccessibles, ces guidances verbales génèrent des écholalies, favorisent la dépendance, n’enseignent absolument rien, …
ATTENTION à la différencier de la consigne verbale = une consigne, c’est ce qui dit ce qu’il faut faire alors qu’une guidance verbale (interdite!) dit comment le faire …
ex : « fais cet exercice » / « laves-toi les mains » / –> consigne verbale
« mets les mains sous l’eau » / « remonte ton pantalon »/ … –> guidance verbale (donc interdite)
A noter qu’il existe une guidance « verbale spécifique» que l’on utilise pour travailler la prononciation par exemple, et qui s’appelle: - La guidance échoïque : utilisée pour travailler le verbal, il s’agit du « modèle » (en langue de signes ce sera également une guidance échoïque mais forcément, non verbale …). L’enseignement des tacts ou des mands se fera donc en guidance échoïque complète, puis partielle (on laisse un délais de 2 secondes : JAMAIS de mot partiellement verbalisé !! genre « baaaaaa » pour que l’enfant dise « bateau ») puis il fera un tact pur, c’est à dire, sans guidance.
- La guidance physique totale ou/ et partielle: on accompagne le mouvement, comme un « petit pantin » ou encore on pousse le coude vers une cible (GPP)…
- La guidance gestuelle : pointage ou geste pour diriger l’attention de l’enfant
- La guidance imitative : démonstration du modèle par une autre personne
- La guidance visuelle : indices visuels placés dans l’environnement
- La guidance tactile : toucher pour faire comprendre
- La guidance environnementale : aménager l’environnement, …
Afin de connaître le niveau réel de l’enfant, il est important de préciser le type de guidance apportée ainsi que son intensité.
Ce genre de support peut être bien utile :
Les règles de la bonne guidance à retenir
- On parle toujours trop ! il faut s’empêcher de parler …
- Dès le début, on pense à comment estomper. Une technique consiste dès le départ à s’imaginer ne plus être là. C’est une technique qui fonctionne bien.
- Le plus possible, lorsqu’on peut, on adapte l’enfant à l’environnement et non l’inverse. Malheureusement, la vie fera que c’est lui qui devra apprendre à s’adapter en permanence dans toutes les circonstances.
- Mieux vaut moins de compétences seul que plus de compétences à deux : on réduit la complexité de l’exercice.
- On note le type et le niveau de guidance : j’ai crée des tampons et des étiquettes pour cela. Lorsqu’on travaille à plusieurs avec un enfant, ce qui est (presque?) toujours le cas, il est important que les collègues, parents, professeurs, orthophonistes, etc, … sachent comment et à quelle intensité l’enfant a été guidé. En effet, un exercice fait dans un cahier ne nous dit rien quant à ce que l’enfant est capable de faire car on ignore ce qui a été aidé/fait par son AESH.
- Attention aux guidances involontaires : et oui, quand on se filme, on s’aperçoit parfois qu’on a tendance à tendre tel objets de tel côté ou encore que l’enfant a perçu notre regard sur la cible
- La dépendance à la guidance, gros risque des AESH et des parents super investis 😉 : il faut toujours faire des tâches acquises pour entrainer le non-assisté (et faire du maintien de compétence + fierté de
faire seul!). Pour cela, se référer aux articles du site sur « la Boîte à Entrainements » (BàE).
D’une manière générale : il faut toujours préférer simplifier la tâche que guider.